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    Les yeux plongés dans la longue vue depuis la prairie d’en-Gaudu (1400 mètres d’altitude), les protecteurs de la Réserve naturelle d’Orlu en Haute-Ariège n’ont d’yeux que pour les isards, ce cabri des montagnes, cousin pyrénéen du chamois, que les montagnards ont souvent l’occasion de croiser sur les hauteurs.

    Ce moment de toutes les attentions durera jusqu’en juin. Car la réserve fait partie d’un programme national de piégeages et d’études qui devrait permettre de «capturer» une trentaine d’animaux.

    Ils sont capturés puis dotés d’un collier visuel de couleur. Avant de les relâcher, des prélèvements de sang, de crottes et, de peau sont faits.

    Chaque animal a ensuite une fiche qui lui correspond et qui permet aux professionnels de la Réserve de suivre la population, et d’analyser entre autres déplacements et longévité.

    Car les populations d’isards ont bien besoin de toutes ces attentions.

    Depuis 28 ans, Pierre Menaut (technicien de l’ONCFS, office national de la chasse et de la faune sauvage) travaille dans la Réserve.

    Il se rappelle d’un temps où «les isards étaient à 10 mètres à peine. Les gens me demandaient si j’allais mettre mes chèvres dans l’enclos. C’est arrivé que l’on compte 500 isards dans l’herbe juste là !»

    Ces temps là sont révolus. Même en étant un véritable laboratoire de biodiversité à ciel ouvert, la Réserve d’Orlu a elle aussi vu les populations d’isards chuter.

    En ce mercredi de printemps, si les marmottes détalent à quelques mètres des randonneurs, une vingtaine d’isards seulement sont visibles à l’œil nu, «cette année, il m’est arrivé d’en compter 90» explique le directeur de la Réserve qui poursuit, «on fait des recensements depuis 1984. Il y avait alors 800 isards. Ça a augmenté en 1994 jusqu’à 1400»

    Puis la «kérato-conjonctive» a fait son apparition (maladie rendant les animaux aveugles), mais aussi la «pestivirose», un virus toujours en cours et actuellement à l’étude.

    La population est donc retombée à 400 ou 500 isards à l’heure actuelle.

    En théorie, la chasse peut prélever entre 10 et 15% de la population. Mais sur la réserve, entre 20 et 25 isards sont tirés, «pour chacun d’entre eux, du sang est prélevé et j’en extrais un sérum»

    De quoi créer une «sérothèque» (sorte de bibliothèque de sérum) fort utile: «grâce à ces prélèvements, la pestivirose a été mise en évidence depuis 1995. A l’époque, on ne la connaissait pas. On a pu remonter jusqu’à cette année là et retrouver les germes de la maladie»

    La situation n’est pas catastrophique pour autant, et Pierre Menaut n’est pas inquiet, «quand on connaît la nature, on sait qu’elle évolue. Il y a des hauts et des bas. On sait que ça va remonter.

    400 animaux sur la réserve, ce n’est pas rien. C’est une bonne base de départ, ça va repartir, c’est une question de patience !»

    Aujourd’hui, celui qui a derrière lui 30 ans d’observation de la nature n’a plus aucune certitude, «chaque jour j’apprends un peu plus. Quand on observe les choses, on s’aperçoit que c’est très compliqué tout ça... Il n’y a pas de comportements communs à tous. Et quand on regarde dans le détail, on n'a que des surprises»

     


     

    Des séjours naturalistes et participatifs pour mieux connaître les isards

    Pour montrer et faire connaître ce travail mené dans la Réserve, des séjours touristiques sont organisés pendant un week-end aux côtés de professionnels de la montagne et de spécialistes de l’ONCFS, pour partir observer les isards, dormir en gîte et peut-être assister à une capture.

    Voilà déjà 3 ans que l’Agence de développement touristique de l’Ariège et l’observatoire de la montagne commercialisent ces séjours.